Chasse de Giganto 027 : Jinouga (Terminée)

Après le départ de Noire, Alvin s’était empressé de déménager tout le monde en dehors de Tesseha’lla. Il ne lui faisait aucun doute que Noire avait déjà averti ses supérieurs à propos de Richard, et la dernière chose qu’il souhaitait voir, c’était Spirius Corporation saisir le roi. Ce n’était pas une question de politique ou d’honnêteté ou… En fait, il ne savait pas trop. Il n’avait pas vraiment de raison d’empêcher son oncle de saisir Richard, mais il savait que si cela se produisait, il y aurait de lourdes conséquences auxquelles il ne voulait certainement pas être mêlé. Un esprit maléfique contenu dans un être humain? Ils allaient le tuer. Ils allaient tout faire pour extraire cet esprit de lui, et avec ce qu’il a vu de Milla et des deamons… Personne ne voulait voir un esprit maléfique en plein milieu des laboratoires de Tesseha’lla.
 
Il fut contacté par ses supérieurs. S’attendant au pire, il n’osa pas regarder son message sur le coup. Prétextant avoir besoin d’air pur ― ce qui ne fut difficile à passer comme excuse, vu le malaise lisible sur son visage ― il sortit dehors pour lire son message. À sa grande surprise, ce n’était pas une « mission » comme il en avait l’habitude; on lui demandait simplement de voir un Giganto dans les montagnes, car on avait peur que le deamon n’attaque la ville. Apparemment, la créature absorbait la foudre et on avait peur qu’il n’absorbe le courant de la ville et la rende paralysée.
 
L’espion allait avertir sa compagnie qu’il avait affaire lorsqu’il tomba sur la kunoichi de leur groupe. Une autre espionne, hum? Celle-ci l’avait suivi à l’extérieur. Quelle compassion! « Mes supérieurs me demandent d’aller voir un Giganto dans la montagne Rayfalke, je vous tiendrais bien compagnie pour vous protéger, mais c’est mon salaire qui est en jeu, » ironisa-t-il. À sa surprise, la ninja lui annonça qu’elle connaissait l’endroit et allait l’accompagner. Sur le coup, il ne sut trop comment répondre; il se serait senti plus « léger » de savoir que quelqu’un restait avec les blessés et Naomie, mais il y avait bien Shella… et si Shella n’avait toujours pas dénoncé son ami après tout ce temps…
 
― « C’est vrai qu’il y a un dragon au sommet de cette montagne? J’espère qu’on ne va pas le rencontrer! » rigola-t-il pour faire la conversation, mais son visage s’assombrit rapidement. Un dragon… Et il y avait des Gigantos dans le coin… S’il y avait bien une rumeur qu’il espérait fausse, du coup, c’était celle-ci. Quoique, un dragon deamon, vs. Heldalf? Il paierait cher pour voir ça. Qui sait, peut-être était-ce là la solution à tous leurs problèmes : aller voir Heldalf, lui dire « tiens tiens, un petit duel au sommet de Rayfalke, non? » et le laisser se faire bouffer par le dragon. Et si Heldalf arrivait à contrôler le dragon… bah de toute évidence, ils n’étaient pas destinés à gagner contre lui, voilà.
 
― « Ah ouais, vraiment… » laissa-t-il échapper en voyant, après avoir grimpé un énième chemin, le deamon au fin fond d’un ravin. Le monstre était un vrai Giganto; il était gigantesque. Il rayonnait d’une lumière bleutée, et tout d’un coup, la foudre s’abattit sur lui, comme un véritable aimant. « Un paratonnerre… Eh bien, je crois que je comprends pourquoi nos charmantes robots juvéniles n’ont pas été appelés ici, ça coûte bien moins cher un enterrement sans le corps que de réparer des androïdes! » comment Alvin, sarcastique. Quelle plaie quand même; il n’allait pas pouvoir se servir de son épée. Tout le mécanisme derrière son arme modifiée sauterait avec autant de charge électrique. Au moins, son fusil allait se rendre très utile. C’était bien; il adorait tirer sur les choses!
Sauf que…
 

― « Vu que tu connais bien la montagne, tu aurais une idée, un plan? Je connais pas vraiment le terrain ici, moi… Si on pouvait au moins l’empêcher d’être à ciel ouvert, ça aiderait déjà beaucoup. »

Bon sang… Là, Shella et Noire auraient été vraiment utiles! Elles auraient pu transpercer cette peau dure comme une armure avec leurs armes ― ah, leurs armes fonctionnaient avec de l’électricité, n’est-ce pas? Le mercenaire fronça des sourcils. Maintenant que le Giganto était à couvert, il pouvait l’attaquer maintenant avec son épée, non? Ses coups de fusil ne semblaient pas trop l’affecter, mais peut-être que la solution était de trancher son cuir? Sauf que la coupure qu’Iris avait faite ne semblait pas le gêner… il m’était tout de même pas faible contre la magie, tout de même!? C’est vrai qu’avec un peu d’eau ― non, il absorbait l’électricité, ils ne pouvaient pas juste renvoyer sa foudre contre lui… et il ne pouvait pas se régénérer avec sa propre foudre, non?
 
Un éclair passa à ses côtés. Bon. D’accord. Il ne pouvait pas juste l’attaquer avec son épée. Ah, bon sang! Il aurait pu s’y préparer si on lui avait tout expliqué! Il aurait pu prendre du caoutchouc, quelque chose pour neutraliser l’électricité, n’importe quoi! Quelque chose pour dériver l’électricité! Sinon… c’était la terre. La seule façon de neutraliser sa foudre, c’était…
 
― « Bon, tant pis, » maugréa-t-il en se relevant, pour ensuite se rebaisser aussitôt pour éviter un éclair. « Bordel! » lâcha-t-il, pour ensuite regarder sur le côté. Tous ces éclairs aléatoires lui rendaient la vie si difficile! Comment pouvait-il viser s’il devait éviter tous ces éclairs? Un autre passa juste derrière lui, créant un flash. Le flash ne dura pas longtemps, mais Alvin eut juste le temps de baisser les yeux pour réaliser que ces éclairs illuminaient la cavité, de sorte que son ombre s’était dessinée juste devant lui, à portée du Giganto. Génial.
 
Visiblement, aucun d’entre ces deux ne savaient où Iris était, car Jinouga s’approcha de lui, l’ayant choisi comme sa première victime. Quel honneur! Non, vraiment. Alvin leva la tête pour soupirer, puis réalisa qu’une charge électrique se dessinait par-dessus sa tête. Le mercenaire eut tout juste le temps de plonger vers sa gauche pour éviter le coup de foudre qui allait s’abattre. Maintenant sur le dos, il tira deux-trois coups vers le Giganto, qui les évita. Les balles frappèrent la paroi au sommet, formant un grondement que le Giganto ignora. Jinouga leva une patte pour l’abattre sur Alvin, et celui-ci roula à terre pour éviter le coup, évitant de justesse le deuxième que le deamon lui portait. Le mercenaire releva la tête pour décharger ses balles au plafond, mais il lui manqua une balle pour achever le coup.
 
Après bon, est-ce que c’était vraiment un manque s’il était encore en-dessous des rochers qu’il tirait?
 

Comme il avait la tête relevée, il ne vit pas le coup que le deamon allait lui porter. Le mercenaire se fit projeter vers les parois, son corps frappant durement la roche. Il retomba à terre, pris d’une vilaine douleur, incapable de se relever. « Tire! » hurla-t-il à l’intention de la kunoichi, même s’il savait très bien qu’elle n’avait pas d’armes à feu comme lui. Après tout, « tire », c’était un mot très simple et très rapide à dire, elle allait le comprendre!

Le mercenaire tenta de se relever, mais l’effort qu’il exécuta lui arracha un cri, son dos paralysé par la douleur. « Merde, je vais mourir tout seul dans un trou perdu des montagnes avec un putain de deamon! » râla-t-il en roulant lentement sur son dos, incapable de se relever. Sa tête lui faisait tellement mal… mais au moins, il semblait avoir toute sa tête. Pas de nausée, pas de blessure au crâne. Juste son dos qui lui rappelait qu’un jour, les enfants allaient l’appeler « grand-papa ». « Bordel que ça fait mal… Quel enfoiré… » gémit-il avec une grimace, tentant tant et aussi bien de relever la tête pour regarder les rochers.

― « Au moins il est mort lui, non? » demanda-t-il en regardant une patte qui dépassait du tas de rocher. Le mercenaire avait eu de la chance en fin de compte; s’il avait tiré une balle de plus, il aurait probablement été mort maintenant. Une roche déboula du tas et se dirigea vers Alvin. L’espion eut à peine le temps d’arrêter le rocher avec ses jambes, tirant de nouveaux jurons de la part de son dos. La kunoichi l’aida à rouler le rocher sur le côté, tandis qu’il continuait à se plaindre de la douleur et de son éventuelle fatalité.

― « C’était simple, en fait de compte, » finit-il par dire, en relevant la tête à nouveau pour regarder la patte. L’expression d’horreur qui se dessina sur son visage avertit sans aucun doute Iris; la patte du Giganto s’était mise à s’illuminer, de petits éclairs se dessinant tout autour de sa peau. Il attrapa la main d’Iris pour qu’elle l’aide à se lever, puis les deux foncèrent à l’extérieur de la cavité. Alvin sauta sur le côté, roulant à terre, râlant à nouveau à propos de la douleur, puis un flash apparut de la caverne, suivi de plusieurs éclairs et d’une explosion. La montagne gronda, puis des rochers s’écroulèrent, bloquant à jamais l’entrée de cette cavité où reposerait pour toujours Jinouga.

― « Bon, là, il est mort, » maugréa Alvin, « et moi aussi, j’en ai marre. » Il soupira bruyamment. « J’vais avoir besoin de Naomie, moi… »