Stormhowl Style! (Terminé)

Néant. Un autre trou temporel. Rokurou ouvrit les yeux. Encore une défaite, n’est-ce pas? Il ferma les yeux. Il était toujours libre.

Ses paupières semblèrent plus blanches et il réouvrit les yeux. Terra et Naomie l’illuminaient de leur magie curatrice. Encore une fois, n’est-ce pas? La même chose ne s’était-il pas produit après l’attaque sur Alice?

Où était Alice? Il lui semblait que cela faisait une éternité qui ne lui avait pas parlé. Elle qu’il avait tant encouragé, qu’il avait tant voulu qu’elle soit libérée de ce Heldalf. Ce duel devait encore avoir lieu, non?

― « Où est Alice? J’ai un duel à faire avec elle, » annonça-t-il aux deux guérisseuses d’une voix faible, la douleur de ses muscles le plaquant au sol.

― « Pas aujourd’hui, mon grand, » fit une voix qu’il reconnaissait à peine. Ses muscles étaient tellement endoloris qu’il n’arrivait même pas à tourner la tête vers cet homme non-familier. Par chance pour le samouraï, celui-ci s’avança dans son champ de vision. Ah… ce mercenaire-là… Oui, il savait se battre avec une épée. Son style était un peu brusque, mais Rokurou le respectait néanmoins. De toute évidence, cet homme avait appris à se battre par lui-même, sans aucun maître, sans aucune technique, mais ce qui avait surtout attiré sa sympathie, c’était qu’il avait appris à se battre de sa main non-dominante. Cela pouvait sonner étrange pour un homme comme Rokurou, qui se battait avec deux épées courtes, mais il avait tout de même appris à se battre qu’en plaçant l’accent sur sa main droite. Ceci dit… ce mercenaire ne lui semblait pas vraiment être un homme loyal.

― « Tu es ici chez moi. Ta, euh, capitaine attend ta guérison. »
― « Où est-elle? »
― « Dans sa propre chambre. Ses blessures ne sont pas aussi importantes que les tiennes, mais elle aussi, elle semble être un peu têtue. »

Le samouraï se redressa dans son lit, à la surprise de tous, puis poussa un long gémissement de douleur. Le mercenaire poussa un soupir avec un sourire découragé.

― « T’inquiètes, elle ira nulle part sans toi. Maintenant, tu vas dormir, » lui dit-il sur un ton autoritaire. Rokurou le dévisagea, puis poussa un cri lorsqu’il sentit une piqure dans son cou. Le samouraï tenta de se débattre, mais ses muscles lui faisaient trop mal, et petit à petit, il sombra à nouveau dans les noirceurs.

Un autre néant. Un autre trou temporel. Mais au moins cette fois-ci, il se souvenait clairement de ce qui s’était passé avant.

― « Allo Rokurou! Bon on y va? » fit une sorcière dans sa face. Rokurou gémit, puis se releva. À son grand étonnement, il se sentait beaucoup mieux. Plus de douleur, mais faible, comme s’il n’était plus un guerrier. Comme s’il ne s’était pas entraîné depuis des siècles.

― « Ça fait longtemps qu’on s’est tous remis, tu sais!? » lui reprocha Magilou. « Et il fallait qu’on attende après toi pour aller voir ton fichu forgeron! »

― « Ah! » C’est vrai, il avait oublié ça! Il avait promis à Velvet qu’il allait demander à ce forgeron de lui construire une nouvelle arme! Et son Stormhowl! C’était pour ça qu’il n’arrêtait pas de perdre, il n’avait pas son Stormhowl!

Le samouraï se précipita hors de son livre, retrouva Velvet comme par pur instinct, et tomba à genoux devant elle. « Ah, j’ai trop faim pour bouger, » gémit-il.

Après avoir mangé, les trois pirates prirent leur congé du repaire d’Alvin pour embarquer sur le Van Eltia. Alors que Magilou se plaignait d’à peu près tout, Rokurou échauffait ses muscles avec un sabre en bois, comme s’il se punissait pour ne pas s’être entraîné depuis des jours. Il savait d’avance qu’il allait en souffrir pour les prochains jours, si ce n’était semaines, mais travailler malgré la douleur faisait partie de son entraînement.
Le genre d’entraînement qui aurait bien fait du bien à Magilou, il se disait parfois.

― « Tiens, maintenant que j’y pense, on aurait pu demander à Kaorie, ça aurait été plus vite, » dit-il en débarquant du Van Eltia. Naturellement, Magilou lui en fit des reproches pendant tout le chemin jusqu’au creux de la vallée.

― « Mais… c’est sombre, là-dedans! » se plaignit la sorcière, et vu le visage d’incompréhension que le samouraï lui fit, la magicienne se contenta de les suivre, boudeur.

― « J’avais battu un deamon géant ici avec Kaorie… tiens, il en reste même encore du cuir! » s’excita-t-il en pointant un tas de peau de métal. La sorcière gémit, ne voyant rien, tandis que Rokurou montrait le métal à sa capitaine. « Mes nouvelles dagues étaient dans ce métal, et mon nouveau Stormhowl va l’être aussi. Avec ça, le forgeron va pouvoir te faire une nouvelle arme! »

― « Dis, c’est qui ce forgeron que t’arrêtes pas de parler? »
― « Euh, un fantôme deamon quelconque, je sais pas le nom. »
― « Ah parce que tu fais confiance en un fantôme, toi? »
― « Bah on fait bien confiance en toi, non? »

La sorcière ne dit plus un mot, boudeuse, sur le reste du trajet.

Le samouraï conduit ses deux coéquipières dans le fond de la caverne, où ils pouvaient tous entendre des bruits de forge. Le métal s’activait par lui-même, aucun signe de vie présente, aucune entité ne semblant activer la forge.

Tout d’un coup, le fantôme se matérialisa devant le trio, visiblement fâché.

― « Dis donc, ça fait longtemps que je t’attendais, toi! »
― « Désolé, maître, nos aventures nous ont retardés un peu… »
― « Ouais, bah ta commande est dans le coin là-bas! »

Rokurou regarda tout autour de la forge, et dès qu’il vit une longue épée, semblable à son Stormhowl, il s’élança vers celle-ci, la prenant tendrement dans ses bras.

― « Stormhowl! »
― « C’est pas Stormhowl, je te l’ai déjà dit, c’est qu’une copie! »
― « Enfin Stormhowl! »

Le samouraï dégaina l’arme, puis la brandit. Il donna quelques coups de gauche à droite, testant la balance de l’arme. « Quelle lame…! Vous êtes vraiment un maître de l’art! Quelle balance! Avec ça, je ne devrais plus perdre! »

Rokurou recommença à tester son arme, avant de s’élancer dans une séance d’entraînement complet. Le fantôme soupira, puis se retourna vers les deux pirates.

― « Et vous, vous êtes qui vous, vous voulez quoi!? »

Le samouraï continuait à s’amuser avec sa lame lorsque sa capitaine le ramena sur terre. Il se retourna vers ses deux collègues, comme s’il se demandait pourquoi elles le dérangeaient. « Une ou deux journées? Eh bien, on pourrait en profiter pour s’entraîner, » proposa-t-il, à l’opposé complet de Magilou. La sorcière rechigna qu’elle n’avait pas besoin d’entraînement, ce à quoi Rokurou affirma déjà le savoir, parce que personne n’avait besoin d’expérience pour être inutile.

― « Tout de même… je me demande ce que je pourrais faire en une journée ou deux, ici, » réfléchit-il tout haut, les bras croisés, son nouveau « Stormhowl » bien installé dans son dos.

― « On peut pas juste prendre des vacances!? T’es pas en pleine forme, tu sais! » gémit la sorcière.

― « Des vacances… c’est vrai que je pourrais essayer de pêcher un deamon! » s’exclama joyeusement le samouraï au grand désespoir de la sorcière. « Tu te souviens Velvet? Moi et Eizen on avait pêché un super calmar géant! Par contre, je me souviens plus vraiment ce qui s’est passé avec… »

― « Il vous a achevé tous les deux et c’est moi qui a dû nous en débarasser! » lui reprocha Magilou sur un ton acide.

― « Vraiment? » s’étonna Rokurou, au déplaisir de ses deux collègues. « Tout de même, je me demande bien ce qui lui arrive… Est-ce qu’il avait été arrêté avec nous? Ça fait longtemps qu’on l’a pas vu, » songea le samouraï.

― « C’est vrai ça… » acquiesça Magilou, devenue soudainement sérieuse et songeuse. « Depuis notre séjour en prison, on n’a plus jamais revu notre ancien équipage. Ils en ont même pas profité pour reprendre notre bateau, et je n’ai pas entendu parler d’autres pirates à part de nous. » Elle s’arrêta pour se retourner vers Velvet, le visage toujours aussi sérieux ― ce qui intrigua le samouraï, qui avait l’impression d’avoir loupé de quoi.

― « Tu t’es échappée de Titania avant nous. On n’était pas au courant de quoique ce soit en prison, et on n’a pas vu les autres. » « Ouaip, je les ai pas―. » « Chut toi, je parle. Tu es bien leur capitaine après tout… ou leur ancienne capitaine. Tu dois bien savoir où se trouve tous nos anciens camarades, non? Tu ne les as même pas vus après ta première échappée? Tu t’es sauvée par toi-même, comme ça, comme une grande, toute seule? »

― « Bah je l’aurais bien fait moi! » la défendit Rokurou.
― « T’étais avec moi et Alice, je te signale, » lui répondit aigrement Magilou, ce à quoi le samouraï n’arriva pas à trouver de contre-arguments.

― « Peu importe… c’est quand même bizarre qu’on ne les a pas vu depuis le temps, ça fait quand même un bon moment qu’on est en liberté. Ça doit s’être dit qu’on a repris notre bateau aussi, alors ils n’ont pas d’excuses pour ne pas nous retrouver. Ils ont arrêté la vie de pirate? »

Le samouraï se croisa les bras, en proie à une profonde réflexion.

― « Pourtant… je ne vois pas Eizen laisser tomber la vie de pirate… Peut-être que quelque chose est arrivé à sa sœur? » suggéra-t-il.

― « C’est vrai que je ne m’imagine pas les exorcistes s’attirer les faveurs du public en emprisonnant une innocente jeune fillette, » songea Magilou. « Eizen doit être à sa recherche, mais ça n’explique pas les autres. »

― « Ouais bah pour eux… j’ai pas d’idées, » conclut le samouraï, ce à quoi la sorcière leva les yeux vers le ciel. Tout d’un coup, Rokurou arrêta ses deux partenaires, pour ensuite pointer vers leur bateau.

― « Là-bas! Il y a quelqu’un sur notre bateau! Dites-moi pas que les exorcistes nous ont retrouvés! »
― « Ou pire; une de nos vielles connaissances… »

Surpris, Rokurou ne sut trop comment réagir. La petite sœur d’Eizen… Le samouraï ne pouvait pas dire qu’il était très familier avec elle. Après tout, elle était trop jeune pour boire, se tenir avec des hommes comme lui et Eizen, et… bah, son grand-frère ne l’aurait jamais laissé en vie s’il apprenait que Rokurou se tenait avec sa sœur, bien naturellement.

― « Même toi, tu ne sais pas où il est… » soupira-t-il, presque désespéré. En effet, si Edna, belle fleur qu’elle était, s’abaissait à venir les voir pour tenter de trouver son frère, c’était qu’il devait être dans le pétrin. De toute évidence, elle n’avait aucune nouvelle de lui du tout. Si elle avait reçu une lettre de sa part, elle ne se serait pas donné le trouble de leur parler.

― « Et les autres pirates? »
― « Tu me prends pour quoi? » répondit la jeune fille sèchement. Bon, eh bien, elle n’en savait pas plus qu’eux.

― « Mais qu’est-ce que ça fait plaisir de te revoir, ma petite! » s’exclama théâtralement Magilou, se laissant faire taper dessus par la jeune fille. « J’étais désespérée à l’idée d’être la seule personne normale sur ce bateau pour le restant de mes jours! Tu vas rester avec nous, n’est-ce pas? » demanda la sorcière avec un sourire malicieux.

La jeune fille ouvrit son parapluie, puis le fit tournoyer.

― « D’accord. »
― « Hein!? »

Rokurou dévisagea sa capitaine, comme pour chercher son approbation. Avoir Edna avec eux? Il n’était pas sûr que ça soit une bonne idée. Pas qu’il avait de quoi contre la petite mais… elle était petite. Avec la soif de vengeance de Velvet, ils n’allaient pas être une bonne source d’influence pour la jeune fille…

― « Mais vous devez absolument me promettre que vous allez chercher Eizen, » posa Edna comme condition.
― « Mais oui, bien sûr, peu importe ce que tu dis! » répliqua Magilou d’un geste de la main, comme si elle ne l’avait pas écoutée.

Le samouraï fronça des sourcils, puis regarda à nouveau Velvet. Certes, retrouver leur équipage serait bien… mais est-ce qu’ils allaient tous vouloir se battre contre Heldalf? Fuir les exorcistes était une chose, mais risquer son humanité, peut-être même sa santé mentale contre l’ennemi public numéro un? Rokurou ne savait peut-être pas à quel point le seigneur des calamités était fort, mais il savait que ce n’était pas tous les humains qui étaient prêts à devenir des deamons comme eux. Et ce, même s’ils travaillaient pour une deamone comme Velvet.

― « Ça pourrait être une bonne chose de ravoir Eizen avec nous, il serait prêt à se battre contre Heldalf… »
― « Contre Heldalf…? Vous n’êtes pas supposés être des pirates? » s’étonna Edna, tout d’un coup suspecte. « Pourquoi vous voulez tuer un deamon maintenant? »
― « Parce que… euh… »
― « Toi, je le sais, tu veux juste te battre contre plus fort que toi, » répondit-elle sèchement.
― « C’est pas une bonne raison? »
― « Pas si tu embarques mon frère dans cette histoire! »

La petite fille referma son parapluie pour pouvoir taper sur Rokurou, mais elle ne put que lui frapper dans le cou, leur différence de taille étant trop grande.

― « Dis-moi, tu n’aurais pas vu nos anciens collègues? Tu es venue directement nous voir? On te manquait tant que ça? »

Edna ouvrit son parapluie à nouveau pour le faire tournoyer par-dessus son épaule

― « J’ai vu que certains ont été transformés en deamons. Vos hommes les plus faibles. Ils sont morts maintenant, » raconta-t-elle sans émotions.
― « Quoi? Qui les a tués!? » s’indigna Rokurou.
― « Moi. »

Rokurou la dévisagea, incrédule. Elle avait tué des deamons par elle-même, toute seule?

― « Bah quoi? Moi aussi je peux faire de la magie. Je ne suis pas aussi forte que mon frère, mais je peux tuer des deamons. »
― « Une chance que tu ne l’es pas… » commenta Magilou tout bas, avant de se faire taper dessus.

Le samouraï se croisa les bras, pensif. « Ce n’est pas qu’on ne veut pas t’aider, on aimerait bien retrouver notre équipage… Mais on a aucun indice! Et si tu dis qu’ils ont été transformés en deamons… Soit qu’ils sont maintenant avec Heldalf, soit qu’ils sont capturés par les exorcistes. »
― « Et dans tous les deux cas, on n’est pas assez forts pour ça! »

Rokurou allait protester lorsqu’Edna tapa du pied.

― « Parfait, je vais vous coacher. »

Le samouraï dévisagea ses deux partenaires, puis la jeune fille. Quoi? Elle? Une fillette? Edna le frappa de nouveau au cou. « Tu es trop transparent, ça parait trop ce que tu penses, » lui reprocha Edna.
― « Ouais, ça parait trop! » acquiesça Magilou, avant de se faire taper dessus pour l’avoir imiter.

Le samouraï fronça des sourcils, accompagné d’un mouvement de recul, lorsque Zaveid atterrit devant eux. Il était vrai que cet homme était l’un des rares adversaires à être capable de jouer les sens de Rokurou, comme s’il était capable de déjouer le vent et de se cacher dans l’air, mais là, il avait vraiment l’impression d’être complètement rouillé. Non mais il fallait avoir pitié s’il était là depuis longtemps! Normalement, le samouraï pouvait au moins sentir l’eau de cologne du jeune homme!
… Il fallait croire que les temps étaient durs pour tout le monde…

― « Mais… pourquoi tu es tout seul? Je ne me souvenais pas qu’Eizen te détestait? » demanda Rokurou, perdu.
― « Justement… c’est pour ça que je suis parti à la recherche d’Edna. Elle est probablement la seule qui puisse raisonner avec Eizen maintenant. »
― « Raisonner? Mais qu’est-ce que tu racontes? Tu as fait une basse passe à notre chère charmante Edna? »
― « Non! Jamais je ne toucherai la sœur d’un de mes collègues! »
― « Mh-hum… »

Edna et Magilou le regardèrent avec un regard qui en disant long, tandis que Rokurou n’avait aucune idée de ce qui se passait. Après tout, les aventures qu’on connaissait de Rokurou impliquait des épées, pas des femmes. Et encore moins des fillettes. Surtout si elles étaient trop délicates pour soulever une épée. Alors là, franchement, il ne voyait pas l’intérêt d’avoir une aventure avec une telle personne. Lui, avec ses frères, il s’entraînait! Même les femmes de son clan étaient des guerrières, personne ne jouait à prendre le thé!
La cérémonie du thé n’était pas un jeu! C’était du sérieux!

― « Alors… supposons que je te crois, c’est-à-dire que je ne vais pas t’accompagner toute seule… Pourquoi tu veux raisonner avec Eizen? » soupira Edna, exaspérée de devoir être en présence du pirate des airs.
― « Allons, Edna, ne sois pas si bête avec moi! Tu sais que j’ai plein de respect pour toi! » La jeune fille lui décrocha un regard noir que même son optimiste infini en prit un coup.
― « Quelque chose de grave est arrivé à Eizen? » demanda Rokurou, le visage très sérieux, ignorant l’attitude d’Edna (et naturellement de Magilou, qui ne pouvait se faire oublier, peu importe la situation).

Le pirate basané se croisa les bras, l’air sombre et préoccupé. « Ouais. C’est en plein ça. Je ne sais pas ce qui lui est arrivé, mais il est devenu complètement cinglé. Il attaque tout ce qu’il bouge. Je ressens même une aura émanée de lui, comme s’il n’était plus lui-même. Une aura maléfique. »
― « Eizen est devenu un deamon? » répliqua Magilou, tellement étonnée qu’elle laissa tomber son jeu de clown.
― « Onii-chan!? » demanda Edna, l’inquiétude brisant tout froid sur son visage, presqu’affolée.

Le pirate vert fit signe que non de la tête. « Il est encore un malak comme nous. Son aura n’est pas pareille à celle de Velvet ou de Rokurou. Mais elle n’est pas normale. Je pense qu’il risque de se transformer en un deamon si cela continue comme cela, par contre. On dirait que la folie lui a pris, et s’il reste dans cet état, il risque d’accumuler trop de malveillance et de se transformer. C’est pour ça que j’ai suivi Edna; s’il voit sa petite sœur, il va sûrement revenir à ses esprits, non? »

Rokurou acquiesça, puisque lui-même aurait pensé la même chose. Après quelques secondes, il tourna la tête vers Magilou. « C’est quoi déjà un malak? »

La sorcière invoqua un marteau jouet par magie et l’abattit sur le crâne du samouraï, qui ne broncha pas. « Pauvre imbécile! On était accompagnés d’au moins quatre malakhim, sombre idiot! »
― « Un malakhim? »
― « Tsk, quel idiot… » répliqua Edna d’un ton dégoûté, regardant de côté le samouraï.
― « Qu’est-ce que vous êtes méchantes! Cruelles! Sans-cœur! Je parie que vous ne savez même pas que Rokurou et Velvet ne sont pas le même genre de deamons! » défendit Zaveid, toujours prêt à soutenir ses frères d’armes.
― « Mais si! Velvet est folle enragée, Rokurou est fou obsédé! » répondit Magilou, toute fière d’elle, comme si elle répondait à un quizz.

Zaveid soupira, tandis qu’Edna réalisait qu’elle n’était effectivement pas en mesure de faire la différence entre les deux deamons et que Rokurou réfléchissait à la réponse de Magilou. « C’est vrai qu’elle devient un peu « folle enragée » quand je nettoie pas à perfection la cuisine… » musa-t-il.
― « Alors pour répondre à ta question, les malakhim sont des humains qui ont du sang des esprits, on est des demi-humains, demi-esprits. C’est pour ça qu’on est capable de faire de la magie. On a une forme physique juste parce qu’on est aussi humains. »
― « Et malak, c’est le singulier de malakhim, idiot! »

Rokurou dévisagea Magilou, les deux malakhim, puis Velvet. Tout le monde était au courant, sauf lui?

― « C’est pour ça qu’Eizen est si fort!? » s’étonna Rokurou, presqu’offusqué.
― « Et moi!? » demanda Zaveid, choqué. Le samouraï le dévisagea, puis haussa des épaules. Zaveid baissa la tête, déçu.
― « Bon… oui, j’ai peut-être eu peur d’Eizen. On dirait qu’avec cette aura, il est encore plus fort qu’avant! Même si je suis un malak, je pense qu’il aurait pu me tuer. »
― « Onii-chan… »
― « C’est grave ce que tu dis… Je n’arrive pas à croire que tu puisses croire qu’Eizen te déteste tant que ça! Il est le seul à te supporter! Avec Rokurou, mais lui, il ne compte pas, il est pas assez intelligent pour te détester. »
― « Mais arrêtez, vous deux, je suis sérieux! Velvet! J’ai réussi à isoler Eizen sur le mont Rayfalke, afin qu’il ne décime pas un village ou peu importe! Il y est encore là! Si Edna n’arrive pas à le raisonner, il va falloir que… »
― « Non! » s’écria Edna, presqu’en larmes. « Je ne vous laisserai pas faire du mal à mon frère! Il va falloir me passer sur le corps si vous voulez le tuer! » leur cria-t-elle dessus, avant de prendre la fuite en direction de la montagne.

― « Hum… Je ne pense pas que ça soit une bonne idée. Ça sent le piège, tout ça. Comment un malak comme Eizen serait devenu fou? Même s’il était qu’un simple humain, cela ne fait pas vraiment de sens. Il est normalement sain d’esprit, contrairement à nous tous. Ça sonne comme s’il quelqu’un le contrôlait, et qu’Eizen était l’appât. »
― « Allez, Magilou, je ne suis pas un monstre! C’est vrai, ce que je dis! Rokurou, tu me crois au moins? Tu vas m’aider? »
― « Ouais, je te crois. Juste parce que tu fouilles dans les tiroirs des femmes, ça ne veut pas dire que t’es un menteur― »
― « Comment ça, il fouille dans les tiroirs des femmes? »

Rokurou ignora la sorcière qui lança un regard meurtrier vers Zaveid, celui-ci partageant son attention entre Magilou et Velvet, prêt à défendre son intégrité physique en tout moment. « Peu importe la raison, Eizen a besoin de nous. S’il est irrécupérable, c’est aussi notre devoir de lui donner une fin juste. Ce sera un long combat, mais― »
― « Rokurou, si tu y vas juste pour avoir un duel avec lui, eh bien vas-y tout seul! Ne m’embarques pas dans ce genre de folie! »

Le samouraï ferma les yeux, ignorant Magilou (comme toujours), puis baissa la tête vers Velvet. « Je vais suivre Edna et Zaveid. Je dois au moins cela à Eizen. Et puis, si Edna n’arrive pas à le faire revenir à la raison… Eizen ne me pardonnera jamais de l’avoir laissé tuer sa sœur! »
― « Je suppose qu’il a raison… mais moi, j’y vais que si Velvet y va! »