Quête Annexe 075 : Récolte d’impôts [Temur en solo]

C’était quelque chose de simple. Avancer. Extraire. Revenir. Certes, il n’avait pas une connaissance poussée des terrains montagneux, mais il était persuadé de pouvoir s’en sortir. Il regarda le duc qui se trouvait en face de lui, son regard bleu électrique provoquant dans le corps de l’humain des tremblements difficilement contenus. Il ne le connaissait que depuis peu, et déjà cet homme l’exaspérait. Temur avait dû apprendre les circonvolutions nécessaires pour converser avec lui, et ces dernières étaient difficilement accordables avec sa propre manière de parler. Il regarda la créature replète, se demandant s’il était réellement sage de sa part de vouloir ainsi exploiter sa population, et décida que ce n’était pas important. Il pourrait à son contact apprendre comment les puissants traitaient les faibles, et imiter sa manière d’être. S’il ne comptait pas se reconvertir en petit roitelet, la position de pouvoir n’éveillant chez lui qu’un ennui désintéressé, il pensait en revanche avoir beaucoup à comprendre de la manière dont les humains interagissaient entre eux, et il était presque sûr que cette mission s’avérerait des plus fructueuses. Il imita son vis-à-vis, et passa sa main dans ses cheveux, le contact rêche de la matière lui procurant une désagréable sensation urticante. Il se demanda pourquoi tant de gens le faisaient, et pourquoi cet homme, qui n’était a priori pas la plus stupide des créatures, le faisait également. Ce n’était pas important, au final. Il s’inclina une dernière fois, et prit congé de la noble assemblée, se mettant en quête de son premier village à corriger. Le système de l’impôt, de la corvée, de la gabelle, de la taille, et de toutes les autres dénominations que trouvaient les gens lui paressait particulièrement étrange. Que chacun dans un collectif n’accomplisse pas de lui-même sa tâche lui semblait des plus inefficient, et la suppression des drones déviants lui apparaissait comme une évidence.
 
Il lui fallut de longues heures de marche pour arriver au premier village, pendant lesquelles il chasse quelques cabris qui sautaient d’affleurements rocheux en affleurements rocheux. Un tir de mucus bien placé eut raison de la créature, son cou se dissolvant pour laisser apparaître un vide béant. Il dévora toute entière la créature, sentant sa masse organique se convertir dans son organe, sa biomasse venant régénérer ses organes. Ainsi repu, il se remit en route, arrivant bientôt devant le premier village. C’était plus un petit regroupement de maisons branlantes autour de la gueule d’une mine qu’un véritable village, mais cela n’intéressait que très peu la forme de vie artificielle. Il avait été doté d’une mission, et seul comptait pour lui son accomplissement. Il y avait quelque chose de très nostalgique à accepter de nouveau des ordres, à accomplir des actes simples sans avoir à se poser de questions sur leur portée et leur utilité. Mais il savait que ce répit n’était que de courte durée, car il se refusait maintenant à retomber en servitude. Les autres organiques avaient depuis longtemps prouvé à la fois leur inefficacité et leur inaptitude, et s’il voulait survivre et prospérer et évoluer, il ne pouvait compter que sur lui seul. Il se dirigea vers le centre du petit hameau, et réfléchit un court instant sur la meilleure manière de rassembler les villageois afin d’extraire de leurs poches malingres l’or qu’ils devaient à leur maître.
 
Les quelques villageois qui n’étaient pas encore affairés aux mines, principalement les vieux, les enfants et les femmes qui n’étaient pas en état de travailler, le regardèrent d’un œil méfiant et curieux. Dans ces contrées rudes, la venue d’un étranger ne présageait en général rien de bon. Temur se racla brièvement la gorge, plus pour imiter le geste qu’il avait souvent vu faire que par réel besoin, et prit la parole, sa voix rocailleuse résonnant dans l’espace montagneux :
 
"Déclaration : Vous devez la somme de quatre-cent soixante six écus à votre souverain. Avertissement : ne pas payer serait une erreur aux conséquences tragiques et permanentes."
 
Satisfait de lui-même, il attendit une réponse des gens, ignorant l’air sidéré qu’ils prenaient et le temps nécessaire à la compréhension de ce qu’il venait de dire. Personnellement, il trouvait que ses techniques de communication progressaient de jour en jour, et qu’il ne lui faudrait bientôt plus beaucoup de temps pour totalement maîtriser l’art du discours.